Un goût étrange…
La petite qui a tout d’une grande
Il était une fois une toute petite bibliothèque dans une toute petite commune… Créée en 2012, accolée à la mairie dont elle squatte la salle des mariages (alias salle des fêtes) pour ses animations, la Médiathèque de Fontaine-étoupefour appartient au réseau des dix petites bibliothèques de la Communauté de Communes des Vallées de l’Orne et de l’Odon (Calvados) avec lesquelles elle partage un SIGB, une carte de lecteur et une coordinatrice. Elle ouvre ses portes vingt-cinq heures par semaine auxquelles s’ajoute trois heures les six après-midis dominicaux d’hiver où elle programme des activités qui drainent environ quatre-vingt personnes. Car des usagers, elle n’en manque pas : mille deux cent quinze inscrits pour deux mille sept cents habitants !
Cette petite (deux cent soixante-six mètres carrés), « qui a tout d’une grande », se veut proche des gens, les incite à partager sa vie et sort de ses murs pour participer à divers festivals régionaux ; elle se veut aussi visible, en particulier dans un blog, dans la presse locale ou les réseaux sociaux dont TikTok. Cinq fois par an minimum, elle accueille les classes, tous les quinze jours un groupe d’adultes porteurs de handicap, une fois par mois les tout petits pour une lecture individuelle en groupe et à l’occasion une résidence d’auteur financée par le Ministère de la Culture. Sa responsable regrette que le covid ait mis à mal le club ado. Des jeux invitent à se poser mais ne se prêtent pas. Des expositions interactives reposant sur l’usage du QRcode sont en expérimentation dans la bibliothèque. Du prêt des médias sur tous supports aux activités diverses, tout est gratuit.
La tête et le cœur de la Médiathèque de Fontaine-étoupefour, c’est Oliviera, une bibliothécaire dynamique à temps plein assistée par un mi-temps de salariée. Et elles font tout cela, me direz-vous ? Quel est donc le secret ? À mes yeux, il est triple. D’abord une volonté politique municipale forte. L’adjoint au maire en charge de la Culture a accueilli avec joie le groupe des bibliothécaires de l’APBFB venu visiter les lieux et lui a tenu un discours volontariste, rappelant les vingt cinq mille euros de budget annuel, l’importance de la lecture pour ses concitoyens et sa confiance dans les compétences de la dirigeante. Ensuite, une aide départementale. Sur base d’une convention, la Bibliothèque départementale du Calvados vient en appui en matière de prêt de collections et d’outils d’animations ainsi que de formation, d’action culturelle et de ressources numériques. Enfin et surtout une équipe de douze bénévoles. Des jeunes retraitées et un jeune autiste font plus qu’accompagner la dirigeante et son assistante : chacun.e a une fonction bien définie qui va de la séance de prêt à la stratégie globale de communication en passant par l’accueil des petits et des plus grands ou l’animation. On est loin du bénévole plastifieur de livres ! Ces douze-là occupent des fonctions de professionnels. Leur implication diffère clairement de celles d’usagers qui apportent ponctuellement des projets personnels à partager dans un esprit participatif de tiers-lieu – il y en a aussi à Fontaine-étoupefour.
Que retenir de cette visite ? Qu’une petite bibliothèque de proximité doit son dynamisme à un faisceau de conditions : une volonté politique, l’appui du réseau (en l’occurrence de la Communauté de Communes et du Département), les compétences organisationnelles et « métier » de professionnelles et leur enthousiasme communicatif et enfin l’apport de citoyens engagés. On me rétorquera que le bénévolat tue le professionnalisme cher à notre législation belge francophone depuis 1978. C’est exact lorsque les volontaires sont seuls à bord mais cet exemple normand – et ils sont nombreux en France rurale – prouve que les bénévoles peuvent être d’indispensables compléments aux professionnels. Sans eux, comment une commune si petite pourrait-elle offrir des services gratuits si nombreux ?
Françoise Dury, bibliothécaire à l’Opérateur d’appui de la Province de Namur
Photos de Françoise Dury.
